Après "Tesis", "Abre Los Ojos" ou "Les Autres", Alejandro Amenabar est sûrement l'un des réalisateurs espagnols les plus attendus de ces dernières années. En 2010, il nous revient avec "Agora", un ambitieux péplum philosophique et scientifique. Ne vous fiez pas aux apparences, même si Rachel Weisz tient le rôle principal, nous ne sommes pas du tout en présence d'une grosse production américaine, le film étant hispano-maltais! De quoi lui donner une liberté supplémentaire, en accord total avec le thème du film.
L'histoire se passe en l'an 391, à Alexandrie, en Egypte. Hypatie d'Alexandrie est une mathématicienne et philosophe grecque, respectée pour son savoir et sa sagesse. Ses recherches sur le mouvement des planètes occupent son esprit, tout comme ses cours à la bibliothèque de la ville. Elle va voir son enseignement se heurter à la montée du christianisme et ne pourra rien faire face au fanatisme qui l'entoure. Le film raconte cette prise de pouvoir de la religion catholique, et l'on suit cette héroïne au destin brisé, qui ne pourra empêcher l'autodestruction de sa cité. Un sujet intemporel, toujours d'actualité, qui montre le rapport de force entre différentes croyances, qu'elles soient religieuses ou non. Peu importe les arguments, la force appelle inévitablement la force, et l'on se rend compte à quel point le bien et le mal sont fondamentalement inscrits dans la nature humaine.
Ce genre de film appelle à une certaine véracité dans la reconstitution historique. On sent qu'Amenabar a fait beaucoup d'efforts pour retranscrire les us et coutumes de l'époque. Les décors sont absolument fabuleux, mis en valeur par une mise en scène de grande classe. Un réalisme hallucinant qui nous transporte immédiatement. Les costumes sont parfaits, et même les scènes de vie semblent fidèles. Pourtant, même si l'Egypte romaine semble exemplaire, "Agora" ne peut prétendre être le récit fidèle de la vie de la philosophe, dont la majorité des travaux sont partis en fumée dans l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie. Toutefois, on sent une attention toute particulière dans la reconstitution, qui nous fait y croire plus que suffisamment.
La force du film repose de toute façon dans la puissance du sujet. Ce combat entre les sciences et les religions montre une incapacité profonde à se comprendre, car l'opposition des points de vue est totale. Et peu importe le nôtre, les choses sont racontées de manière à comprendre les forces en présence, et l'on voit ce qui pousse chacun à choisir son camp. La puissance des argumentaires ou des manipulations s'impose à chaque élève, à chaque habitant, en fonction de sa connaissance, de son statut social ou de sa pauvreté. Le tout se complexifie encore davantage lorsque l'ensemble est mêlé à la politique. Le personnage d'Oreste est tiraillé entre son amour pour Hypatie, ses convictions personnelles et l'avenir de son peuple. Ce qui ressort de ce récit, c'est surtout la sincérité qui émane des différents partis, ainsi que l'intensité des croyances de chacun. Et c'est de là que le film tire sa grandeur.
Tant de questions qui continueront de se poser, pendant des siècles et des siècles, et qui se posent encore de nos jours dans certains pays. Amenabar nous livre sans contexte son meilleur film, une oeuvre puissante, intemporelle, qui ne laisseront de marbre que ceux qui n'y verront qu'une fresque historique basique. "Agora" est un appel à la connaissance, à la sagesse, comme écho à la liberté. Se souvenir du passé, de ce que l'on a appris et s'en servir comme fondation pour l'avenir.
17/20
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