L'attente autour du nouveau film d'Aronofsky était assez impressionnante. Sorti quelques mois plus tôt aux Etats-Unis, multi-nominé (puis récompensé) aux Oscars et aux Golden Globes, ce "Black Swan" était attendu de pied ferme sur notre territoire. Déjà qu'en soi, toute sortie du réalisateur américain est une bombe potentielle, "The Wrestler" avait avant cela signé son retour en grâce après "The Fountain", son plus grand échec auprès des critiques. Sur le papier, ce "Black Swan" semblait avoir toutes les qualités requises pour devenir une des oeuvres cinématographiques les plus fortes de ces dernières années.
La scène d'ouverture nous apporte déjà les réponses. La puissance de la musique, le blanc, le noir, la pureté de l'univers de la danse classique, tout de suite contrebalancée par le cadre sombre et l'aspect fantastique du cygne noir. Ce sentiment d'étrangeté ne quittera jamais le film. Le réalisateur enchaîne les effets de miroirs, de reflets, nous renseignant sur l'un des thèmes principaux du long-métrage. Certains plans sont même dignes de films d'épouvante, comme ce passage ultra furtif d'un portrait aux yeux qui bougent qui nous fait froid dans le dos...
Darren Aronofsky a choisi le cadre de la danse classique pour nous raconter son histoire. A l'instar de son précédent film, qui nous entraînait dans l'univers du catch, on est ici entièrement plongé dans le quotidien de ces danseuses. Filmé de manière assez réaliste, on les voit s'échauffer, préparer leurs chaussons, mais on comprend aussi les valeurs de cet art. Et c'est là que le film prend toute sa grandeur. L'exigence du milieu, cette recherche obsessive de la perfection, et bien sûr l'histoire du "Lac des Cygnes" en elle-même, donne au propos une profondeur incroyable, et une porte d'entrée idéale dans la folie et la cassure psychologique. Du coup, l'une des questions que l'on pouvait se poser avant de voir le film était de savoir si on avait besoin d'aimer la danse classique pour aimer le film. Bien sûr que c'est un plus, mais le cadre est totalement en accord avec l'histoire et les thèmes abordés et les nourrit complètement.
"Black Swan" s'appuie beaucoup sur le rapport au corps. Cela va de simples gros plans sur les pieds des danseuses jusqu'aux scènes de blessures. La peau, les ongles, autant de moments assez difficiles à supporter en tant que spectateur. L'un des thèmes du film étant la quête de la perfection, qui passe par l'abandon de soi, la sensualité et la sexualité sont forcément présentes. Et Aronofsky en parle très justement en montrant tout le mal que Nina peut avoir pour assumer certaines choses de la vie.
Bien que ce soit évident, je vais quand même parler un peu du casting. Comme pour Nina dans l'histoire, il fût sûrement assez compliqué de trouver l'actrice capable d'interpréter le cygne blanc et le cygne noir. Que dire de Natalie Portman... Tout ou presque a déjà été dit, elle est parfaite dans les 3 quarts du film avant d'être juste époustouflante dans le dernier quart. A côté d'elle, il faut saluer la performance de Mila Kunis, tout à fait à la hauteur, ce qui n'est quand même pas rien. Cassel fait le boulot, et on a beaucoup de plaisir à retrouver Winona Ryder. Et malgré tout ça, ce qui ressort de cette heure 50, c'est l'oeuvre. Le film en lui-même. Car Darren Aronofsky surpasse chaque élément du film et se surpasse lui-même pour créer ce qui est sans doute son plus grand accomplissement à ce jour. Le réalisateur est au service de l'histoire, au point qu'on ne finit par ne voir plus qu'elle.
Vous l'aurez donc compris, "Black Swan" se révèle à la hauteur de nos attentes. Que ce soit dans le fond ou dans la forme, il est une oeuvre d'une incroyable intensité et d'une forte cohérence artistique. Bien sûr, le thème du dédoublement (ou plus...) de personnalité est toujours attendu au tournant. Tout le monde va avoir tendance à chercher la faille, au détour de chaque ligne du récit. Pour ceux qui chercheraient à trop vouloir comprendre, je citerai le film lui-même, dans une phrase qui pourrait le résumer. "La perfection n'est pas que dans le contrôle, elle est aussi dans le laisser-aller."
18/20
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