Deuxième édition de l'exposition Hey! à la Halle Saint-Pierre. Une occasion de découvrir ou de se replonger dans l'univers moderne et pop du magazine éponyme. Pour moi, c'était une découverte. Car même si je connaissais la revue de nom, il est forcément bien plus concret et marquant de voir ce monde en vrai sous forme d'une expo. Et vu que le contenu est un peu marginal, l'évènement lui-même paraîtra différent et donnera l'impression d'un bol d'air frais à ceux qui fréquentent l'univers des arts contemporains. Bienvenue dans une autre dimension artistique, bienvenue chez Hey! .
Au pied du Sacré-Coeur, la Halle Saint-Pierre est le partenaire idéal du magazine, au vu de ses programmations habituelles. C'est déjà ici qu'avait eu lieu la première édition de l'exposition. Le deuxième volet regroupe cette fois 61 artistes internationaux, issus de 14 pays différents. Auxquels on ajoutera les deux mises en avant temporaires, dans le hall d'entrée, consacrées à Murielle Belin et Mr Djub. Sombres et pleines de minutie, comme une sympathique introduction au plat de résistance. Sympathique oui, mais forcément en dessous par rapport à la suite. Il faut dire que la première salle est consacrée à Joe Coleman, et dans le genre barré minutieux, l'Américain se pose là. Parfaitement mises en lumières, ses oeuvres, sortes de peintures en relief avec du texte, mettent dès le départ la barre très haut. Il faut dire que lui et Giger, le père d'Alien et du Necronomicon, sont les deux "stars" de l'exposition, et c'est sans aucun problème qu'il fait honneur à son rang.
Pour le fan d'Alien que je suis, voir en vrai une sculpture du Necronom est un moment unique. Trônant au milieu du rez-de-chaussée, il est difficile pour moi de me concentrer sur les premiers artistes, trop impatient d'en admirer les détails. Pourtant, j'y arrive, notamment grâce à quelques oeuvres coup de poing, comme la bête contemporaine de Renato Garza Cervera, tapis humain au visage et au regard réaliste et effrayant. Les peintures de Georganne Deen, les livres sculptés de Brian Dettmer, les tableaux en relief de Louis Pons, les portraits "Famille Adams" de Travis Louie, sont sont autant d'exemples d'oeuvres réussies, qui sont pourtant relayées au second plan par ces quelques uppercuts proposés par le Suisse donc, ou encore par, avec peut-être plus d'objectivité, le coréen Choi Xooang et ses ailes pleines de mains. On se souviendra aussi de Gibert Peyre et de son installation électropneumatique "J'ai Froid", qui dans ce cadre peu éclairé sonnera pour certains comme un cauchemar éveillé. Impressionnant!
Le premier étage est lui en pleine lumière. Les oeuvres présentées sont ainsi un peu plus ludiques, un peu moins sombres. La naïveté prend le pas sur l'horreur, les jouets expriment autant que les monstres. Ainsi, les peintures cartoonesques de Todd Schorr ou de Mike Davis nous redonnent le sourire, là où les Barbies de Mariel Clayton nous font carrément marrer. Juste retour des choses que certains jugeront comme un positionnement féministe (l'artiste s'en défend), les Kens s'en prennent plein la tête par des Barbies revanchardes et sans pitié. Les Toys Icons de Numa Roda-Gil sont également à découvrir, ainsi que les céramiques d'Amanda Smith, faussement naïves. Faussement oui, car ne vous y trompez pas, la violence est là, les oeuvres expriment beaucoup de choses dures, et seule la forme est un peu plus douce. Comme un symbole, ce sont les poupées et les anges déchus de Paul Toupet qui termine l'exposition, nous rappelant que chez Hey! le morbide fait partie de la vie.
On pourrait d'ailleurs se poser de nombreuses questions sur ces artistes. Je le suis moi-même et je sais bien que l'art est un exutoire, qui nous permet d'évacuer les douleurs et les mauvaises choses auxquelles nous sommes confrontés. Ici, on est en présence de beaucoup de noirceur, d'horreur. De beauté aussi, cela n'empêche pas. Mais on se demande ce qui peut pousser un artiste à aller aussi loin. Est-ce le support artistique (écrire des chansons a peut-être ses limites)? Plus de violence dans sa vie? Moins de pudeur dans l'extériorisation des sentiments? L'expo n'est en aucun cas lugubre, on a vraiment l'impression d'être davantage dans le partage et l'expression d'une introspection que dans le malaise. Je ne suis pas critique d'art, je n'aura pas la prétention de m'étaler sur le sujet, mais ce sont des questions intéressantes qui se posent grâce à une exposition qui l'est tout autant.
Je vous conseille donc fortement d'aller faire un tour à la Halle Saint-Pierre. Que vous soyez expert ou novice, amateur d'art moderne ou pas, Hey! vous présente ses références pop culture de la plus belle des manières. Une exposition variée, relativement accessible, et différente de ce que l'on a l'habitude de voir. Un monde à part où tout ne vous parlera peut-être pas, ce qui est normal vu le nombre d'artistes présentés, mais qui saura sans aucun doute vous embarquer. Elle dure jusqu'au 23 août, courez-y, vous ne le regretterez pas!