samedi 16 avril 2011

La chronique de Torti: ICO (2001)






Comparé à certaines disciplines millénaires, il aura fallu très peu de temps – un tout petit siècle – au cinéma pour être reconnu comme 7ème art par le monde entier. Alors que Super Mario vient de souffler sa 25ème bougie, on peut se demander combien de temps il faudra au jeu vidéo pour être reconnu comme 8ème art. Il est sans doute encore trop tôt pour que certaines mentalités acceptent le vidéo-ludique en tant que discipline noble. S’il est acquis que les films et les disques dont David vous parle dans ces pages sont des œuvres d’art, je vais essayer, en tant qu’invité, de vous montrer qu’un jeu sur console (ou sur ordinateur) peut également être perçu comme une véritable expression artistique à part entière, et pas seulement comme des « bip-bip, vroom-vroom, goooooooooooal !! » pour demeurés slash beaufs.


Je vais commencer cette vaste tâche par une des rares expériences que j’ai partagée avec l’hôte de ce blog en matière de gaming et pas n’importe quoi : ICO. Ce jeu, c’est au final comme le "Nevermind the Bollocks" des Sex Pistols. En s’appuyant sur des bases et des principes fondateurs connu de tous, il a réussi à révolutionner, réinventer le jeu vidéo sans passer par des « gadgets » mais bel et bien par un contenu des plus soignés. 10 ans après sa sortie (en 2001, donc) sur Playstation 2, ICO (et son papa Fumiko Ueda) est de plus en plus souvent cité comme influence par les concepteurs de jeux actuels. N’ayons pas peur de le dire : il y a un avant et un après ICO. Et ce qui fait la différence avec un autre jeu, ce n’est pas tant ses mécaniques de gameplay mais sa sensibilité, oui, sa sensibilité artistique.


Le jeu démarre sur une intro très calme. Dans une forêt inconnue, à une époque inconnue, des
cavaliers (inconnus) convoient un enfant qui a la particularité d’avoir sur sa tête une paire de cornes faisant de lui un oiseau de mauvais augure, un paria. Les cavaliers l’enferment dans un sarcophage, dans l’enceinte d’un temple où sont déjà disposés bien d’autres cercueils du même type. L’enfant n’est donc pas le premier à subir ce sort. Peu après le départ des cavaliers, un tremblement de terre se produit faisant tomber le sarcophage de notre héros (Ico ?) et le libérant dans la foulée. Le jeu commence. La caméra n’est pas vraiment libre, les angles de vue sont imposés pour poser une ambiance d’entrée de jeu. Il fait sombre, il y a peu d’endroit où aller mais Ico aperçoit une silhouette un peu plus haut dans le temple, enfermée dans une cage. Il s’agit d’une jeune fille, sensiblement du même âge qu’Ico et qui a la particularité d’être …toute blanche, d’un blanc fantomatique.
Les deux enfants qui ne se comprennent que par le geste vont devoir chercher à sortir de ce palais. Ico est habile, il saute, il escalade, il dispose d’une panoplie de mouvement semblable à celle du tout premier Prince of Persia (dont je me ferai une joie de vous parler une prochaine fois). Il peut aussi utiliser un bâton pour se défendre. En revanche la jeune fille, fluette, ne peut pas sauter bien loin, ne sait pas grimper bien loin ; bref, elle a besoin d’Ico. Il faudra non seulement se frayer un chemin hors de ce gigantesque palais mais en plus faire en sorte que celui-ci puisse être emprunté par notre nouvelle et unique amie. Pour cela le joueur devra venir à bout d’énigmes et de mécanismes retors.
De plus si on a le malheur de la laisser seul trop longtemps de terrifiantes ombres tenteront de la kidnapper en l’emportant dans un vortex dont on la sortira parfois in extremis. Les graphismes sont assez fins, les environnements détaillés, les « ombres » sont à mi-chemin entre la fumée et la tâche d’encre, le tout avec des yeux d’un bleu luisant. L’effet est particulièrement réussi.


Les contrôles sont simples : un bouton pour sauter, un pour utiliser le bâton, le reste se fait avec le stick directionnel. Mais ce n’est pas tout à fait tout. Un bouton pour appeler la jeune fille afin qu’elle nous rejoigne et un autre…pour la tenir par la main. Vous en connaissez beaucoup des jeux comme ça ?! Et là on touche à toute la poésie du jeu. Le mélange de complicité et de solitude des personnages, leur fragilité aussi. Il n’y a pas grand-chose à l’écran. Pas de score. Pas de boss. Pas de niveau. Pas de barre de vie. Pas de plan. C’est à nous de savoir si notre compagne n’est pas trop loin et si on ne l’a pas laissée seule trop longtemps. Pas ou peu de musique tout juste quelques nappes inquiétantes pour accompagner la venue des ombres et le bruit du vent et des oiseaux dans ce mélange de constructions abandonnées datant d’une époque reculée et de végétation à qui on a laissé reprendre ses droits. Ce calme est beau, apaisant lorsque l’on traverse un pont en tirant par la main la mystérieuse enfant, il est oppressant lorsque les ombres font leur apparition et s’en prenne à notre amie que l’on peine à défendre car, je le rappelle, on n’est pas équipé d’un lance-roquette (non, pas la salade, les trucs qui explosent) mais d’un vulgaire bout de bois et on dirige un garçonnet.









C’est tout ce travail sur l’ambiance, la relation entre ces deux enfants abandonnés cherchant à
s’enfuir d’une prison vide où ils n’ont que l’un pour l’autre, la raison même de leur présence respective en ce lieu, l’opposition entre lumière (la jeune fille) et obscurité (les « ombres »)et toute la symbolique qui va avec, la maladresse des mouvements des enfants (à commencer par la démarche d’Ico), tout cela contribue à faire d’Ico une œuvre touchante. Je ne vous révèlerai pas la fin de l’histoire mais quand on finit le jeu (volontairement assez court, entre 6 et 10h) on se sent ému. On a vécu une belle aventure, on a ressenti des choses pour ces deux enfants exclus, on a compris leur solitude, on a eu peur avec eux lorsque 
les ombres surgissaient. On se sent finalement comme après un très bon film, un très bon disque ou un très 
beau livre.




18/20

6 commentaires:

  1. C'est vrai que c'est toute une ambiance ce jeu! Je ne joue pas beaucoup, mais celui-ci et Limbo m'ont beaucoup plu!
    Merci Torti pour la découverte!
    :)

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  2. il ne t'as pas plu mon commentaire que tu ne l'as pas publié?

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  3. Ah point du tout! Je ne l'ai pas eu! Ca a buggé quand tu l'as fait?
    Tu disais quoi?

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  4. Ha! flute alors. Bon que je me souvienne...
    Je disais que juste en lisant le résumé de l'histoire de ce jeu, si elle sortait en livre, je l'achèterais de suite, on a envie de suivre ces enfants et connaitre leur histoire.
    Je ne joue pas non plus aux jeux vidéos mais je me souviens très bien de Prince of Persia que j'aimais bien, on y retrouve un peu la gestuelle.

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  5. Bertrand est un grand fan de "Prince of Persia", c'est vrai que nous aussi, on y a beaucoup joué!!

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  6. Pour mum, le livre "ICO - Castle of Mist" existe... en anglais. Mais, me semble-t-il, c'est un roman inspiré du jeu et non l'histoire du jeu.

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